Né en 1971 en Mongolie intérieure, Qin Ga reste mystérieux malgré plusieurs expositions à travers le monde, et notamment dans «Voice of the Unseen» à la Biennale de Venise jusqu’au 24 novembre. En 2002, il décide de reprendre, pour le conclure, un projet lancé par le collectif «Longue Marche». Il s’agit d’abord de parcourir physiquement (sans se limiter à la seule marche à pied) les 5 000 kilomètres restants, en franchissant des montagnes de 5 000 mètres de haut dans des conditions extrêmes. Qin Ga retrace et revit ainsi l’épisode fondateur de la République populaire de Chine, la Longue Marche entreprise par Mao et ses fidèles de 1934 à 1936.
Lieu de mémoire(«lieu» n’ayant pas ici de sens géographique), cet événement joue le rôle pour la Chine à la fois de Déclaration d’indépendance américaine, de prise de la Bastille française et de décapitation du roi Charles Ierpar ses sujets anglais. Mais cette marche fondatrice est aussi un épisode hautement géographique qui organise, en 12 000 km, un beau croisement avec la Grande Muraille, sorte de «trait cartographique à l’échelle 1».
Il n’y avait pour Qin Ga ni apologie de Mao ni détournement ironique, mais simplement la volonté de s’inscrire dans une histoire, une géographie qui le dépassaient. «Lorsqu’on entre dans une histoire organique et dans un espace public si gigantesque, cela implique une perte de contrôle : les éléments ne vous appartiennent plus, les réactions, les personnes, les souvenirs se télescopent en tous sens.»
Au départ de cette marche, Qin Ga se fait tatouer sur le dos un fond de carte de Chine pour ajouter un point à chaque nouvelle étape de son périple. Pourquoi ces souffrances ? Pis-aller ? Expiation ? Hommage aux souffrances de l’armée rouge ? Cette marche s’inscrit-elle dans la filiation des artistes du Land Art, dans la redécouverte des vertus esthétiques de la marche ?
Difficile, pour nous autres Occidentaux, de ne pas songer au personnage doublement fondateur d’Atlas : figure mythologique condamnée à souffrir en soutenant les cieux pour les séparer de la Terre, Atlas devint à la Renaissance le nom commun donné à un système de cartographie extrêmement normée et mise en livres. Qin Ga accepterait-il la comparaison ? On peut toutefois avancer avec certitude que, si le personnage d’Atlas passe pour avoir été un peu simplet, cette œuvre et le travail de Qin Ga constituent une redoutable entreprise, à la fois émouvante et éprouvante qui porte sur le corps de l’artiste autant que sur le corps collectif du pays.
Sources :
http://www.liberation.fr/culture/2013/10/03/longue-marche-tatoue-sur-le-dos_936810
http://www.amazon.fr/Mappamundi-Art-cartographie-Guillaume-Monsaingeon/dp/2863642766
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